Les rapports d’experts sur l’urgence climatique se multiplient. Où en est-on ?
Jean-Marc Jancovici : le « développement » fulgurant que notre espèce a connu aux 19ème et 20ème siècles a été essentiellement basé sur la croissance d’une énergie abondante, sans limite apparente de disponibilité, et accessible à bas prix. Il s’agit des énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon). Grâce à elles, nous avons pu doter chaque terrien d’une armée d’esclaves mécaniques, qui vont des laminoirs aux porte-conteneurs, des tracteurs aux grues, en passant par les usines textiles et les réseaux de télécommunications.
Ces énergies représentent, depuis plus de 40 ans, plus de 80 % d’un approvisionnement mondial en énergie qui ne cesse d’augmenter, abreuvant un parc de machines qui fait de même.
J.M.J : en conséquence, les émissions de C02 grimpent de façon exponentielle, et les nombreuses conférences sur le climat et rapports d’experts n’y ont rien changé. Ces émissions augmentent l’effet de serre, ce qui injecte plus d’énergie dans la machine climatique et modifie cette dernière. Il s’ensuit une modification des températures, du régime des pluies, de la fréquence et de l’intensité des incendies, inondations, sécheresses, tempêtes, et autres « anomalies », une fonte des calottes et des glaciers entraînant une hausse de l’océan qui dépassera plusieurs mètres, et, en bout de course, des conditions de vie plus difficiles pour une part croissante de la population mondiale.
Est-il trop tard pour agir ?
J.M.J : à cause de la très longue durée de résidence du surplus de CO2 une fois dans l’atmosphère, les conséquences vont continuer de s’amplifier longtemps après que nous ayons commencé à faire baisser les émissions. Du coup, alors que nous sommes au point mort, il ne faut pas juste enclencher la première, mais plutôt directement la cinquième.
Très clairement, pour remplir l’objectif de limiter le réchauffement climatique en-deçà de 2°C, il faut commencer dès demain à baisser les émissions humaines de gaz à effet de serre de 4 % par an.
J.M.J : cela permettrait aux émissions planétaires d’être divisées par 3 d’ici à ce que mes enfants aient mon âge. Comment ? En réduisant drastiquement notre consommation, et en favorisant des sources d’énergie décarbonées tels le nucléaire et les énergies renouvelables, ces dernières étant souvent plus pertinentes dans la chaleur que dans l’électricité.
A l’échelle mondiale, il faut déjà fermer toutes les centrales à charbon, gaz et fioul. A l’échelle nationale, les actions prioritaires concernent les bâtiments (isolation, modes de chauffage décarbonés : pompes à chaleur, bois) et les transports (diminution de la masse et de la puissance des voitures, transports en commun, actions sur l’urbanisme, circuits courts, etc.).
Quelle place pour le nucléaire dans la transition énergétique ?
J.M.J : basé sur la fission d’un noyau métallique, et non sur la combustion de résidus organiques (les combustibles fossiles), le nucléaire fait partie des énergies bas carbone (malgré des émissions liées aux opérations amont et aval), avec des émissions :